mercredi 24 octobre 2012

Doris Lessing, femme blanche venue d'Afrique





Doris Lessing




Doris Lessing
http://www.britannica.com/blogs/wp-content/uploads/2007/12/lessing.jpg
 

« Think wrongly, if you please, but in all cases think for yourself.» 
Doris Lessing
Interview with Amanda Craig, "Grand dame of letters who's not going quietly," The Times, London (23 November 2003). www.wikiquote.org  octobre 2012.


























Doris Lessing fait partie de ces femmes, comme Eleanor Roosevelt ou Goliarda Sapienza, qui ont affirmé leurs valeurs, les ont exprimées à leur façon, en étant créatives, conscientes des enjeux qui les touchent et touchent aussi ceux qui, comme elles, doivent faire face aux contingences de leur condition.

Ce qui m’a marquée dans la lecture de Doris Lessing est l’aspect autobiographique de son œuvre. En recherche constante de l’expression de l’affirmation de soi, elle a mis en scène (dès 1949) des situations très modernes de femmes libres au moment où l’engagement politique représentait la manière la plus efficace de faire avancer les choses. Elle-même a été très active au sein du parti communiste anglais jusqu’au  milieu des années 1950 alors que l’on découvrait un Staline horriblement tortionnaire. Pénible deuil pour elle et pour des milliers de membres qui quitteront le parti, déchirés. Elle publiera après cela Le carnet d'or.
Doris Lessing est né en Perse (aujourd’hui l’Iran) le 22 octobre 1919. Ses parents, Anglais, s’installent en Rhodésie (maintenant le Zimbabwe), à l’époque colonie britannique. Elle est alors âgée de six ans dans un pays en friche, où la nature est omniprésente. Elle grandit dans un milieu rustre, sans culture, duquel elle s’extirpera finalement par les rencontres amicales et maritale, en se découvrant écrivain.




Son chef-d’œuvre demeure le Carnet d’or (The Golden Notebook, 1962). Roman complexe, à la forme inusitée, qu’il faut lire et relire à travers les années qui passent. On commence par ne pas tout saisir, jusqu’à ce les situations des personnages féminins finissent pas ressembler à celles de nos propres vies; les illusions de la jeunesse font place à la lucidité, épreuve existentielle qui nous concerne tous. Contrairement à Goliarda Sapienza, Doris Lessing ne s’arrête pas à la description de la volupté. La sensualité y est ardue, retenue, faussement prude et disparaît au profit du mental. Mme Lessing ne se laisse pas déconcentrée par ces effets du corps, bien que ses personnages féminins soient sans cesse à la recherche de l’amour.


Les femmes sont fortes dans l’œuvre de Lessing et les personnages masculins ne sont pas évolués, victimes puériles de femmes adultes et assumées qu’ils ne reconnaissent pas. Bref, elles font peur aux hommes, qui se trouvent bousculés par ces sorcières intellectuellement exigeantes. Le lecteur lui aussi est bousculé, mais la profondeur de la réflexion engendrée en vaut la chandelle.
En 2003, elle publie The Grandmothers où deux grands-mères tombent respectivement amoureuses du petit-fils de l’autre! Encore des personnages hors normes, il faut que nos aïeules lisent ça pour changer!
En 2007, elle reçoit le prix Nobel de littérature et à 93 ans, toujours active, elle publiera en février prochain  The Story of General Dan.



samedi 20 octobre 2012

Goliarda Sapienza



Goliarda Sapienza (1924-1996)




« Se faire et se défaire des habitudes c'est comme ça qu'on doit vivre. »
L'art de la joie, Goliarda Sapienza








Qui connaît Goliarda? J'ai marché longtemps ce matin en pensant à elle. Je pense souvent à elle d’ailleurs. Au titre de son roman L’art de la joie. Son chef-d’œuvre. La joie. Quel beau mot que l’on n’utilise pas assez souvent et dont l’étymologie est si riche. Certainement une des auteures les plus authentiques que j’ai lues. Elle est une rebelle au point de vue singulier, de ceux qui vous éclairent en passant par le décryptage romanesque de tous les tabous –d’aujourd’hui et d’alors- et de tout ce qui fait une vie.

Folie, inceste, viol, relations amoureuses intergénérationnelles, femme au pouvoir, femme libre, bisexualité, émotivité, meurtre, sexualité de l’enfant, maternité, mariage, vieillesse et j’en passe.


source: Chapitre.com http://bit.ly/TpcURi (13 octobre 2012)


J’ai découvert ce roman, inspiré de son histoire et enfin publié après dix ans d’écriture et la recherche d’un éditeur, (si vous ne l’avez pas lu, bande de chanceux, précipitez-vous en librairie) parce que d’autres femmes m’en ont parlé. Il a été publié à titre posthume. Goliarda est morte en 1996, dans la jeune vieillesse, à l’âge de 72 ans, d’un accident bête, en tombant d’un escalier.

Ce roman est tous les romans à la fois : politique, historique, populaire (fresque familiale), érotique, psychologique, philosophique, poétique.

Ceux qui l’ont lu évoque le frisson, la passion, la possession de soi par un récit exceptionnel. Il vous faut le lire, pour cette formidable aventure intellectuelle et sensuelle. C’est certainement dans ce roman que j’ai eu la plus belle expérience de lecture du sentiment amoureux. Touchée. Sapienza est aussi habile, sur ce plan, que le grand D.H. Lawrence.

Goliarda Sapienza est la benjamine d’une famille communiste recomposée dont le père est un avocat qui défend les pauvres et la mère, bourreau de travail, une intellectuelle reconnue et engagée qui a eu trois fils d’un précédent mariage. Goliarda grandit parmi eux, qui sont adultes, dans les années trente.

« Ses frères lisent des poèmes à table, font de la musique, et sa mère la reçoit dans son bureau où elle lui parle de l’asservissement de la femme et de l’amour libre.» (http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/Terriennes/Dossiers/p-22140-Goliarda-Sapienza-ecrivaine-affranchie-des-le-berceau.htm)
Dans un nouveau roman qui vient de paraître en français, Moi, Jean Gabin, dans lequel elle relate avec un certain humour son enfance (« si nous n’avons pas d’argent, c’est parce que nous n’exploitons personne » p.40), nous voilà plongés dans les années d’avant-guerre siciliennes, chez les communistes à la dent dure, en lutte contre le fascisme. La petite Goliarda vit avec une sensibilité propre et très profonde; elle peut pleurer de joie en mangeant de la polenta avec son oncle parce que quelques minutes avant elle s’en faisait de se trouver au milieu d’intellos qui se nourrissent d’études et ne font que lire, en mangeant des fruits, sans gourmandise. Elle n’en fait pas un drame, elle se sent en sécurité, elle est aimée, mais souffre de l’incapacité à exprimer ses sentiments et le grand amour qu’elle ressent pour les membres de sa famille, pour sa mère en particulier.

Source: FNAC



Sa pensée, absolument originale, s’y révèle encore une fois. « Moi, qui ai appris de Jean Gabin à aimer les femmes...» p.7. Elle est amoureuse de Jean Gabin qu’elle découvre, gamine, au cinéma de son village et qui la fait rêver et l’aide à se détacher de sa nature anxieuse.


Tout comme chez Eleanor Roosevelt,  « l’action calme l’angoisse et la peur » (p.47),
et ce sont les valeurs humaines et féminines qui l’habitent.  De même, la relation épanouie avec soi et avec les autres est essentielle. Elle est loin de la rationalité. C’est une artiste, intense, explorant pendant  toute sa vie ses forces et ses faiblesses qui sont celles de toutes les femmes, par le biais de la littérature et de l’art dramatique. Pour mieux se connaître, il faut lire ses livres.
 




lundi 1 octobre 2012

Eleanor Roosevelt






« Never allow a person to tell you no who doesn't have the power to say yes. »
Eleanor Roosevelt (1884-1962)


Cette citation prend tout son sens quand on sait que, très timide, Eleanor a appris que non seulement c’est la règle du jeu pour faire avancer les causes qui lui tiennent à cœur, mais dévoile aussi sa connaissance profonde de la nature humaine pour laquelle elle a le plus grand respect et la plus grande attention.





La situation politique et économique actuelle fait écho à l'époque d'Eleanor
Eleanor Roosevelt représente pour moi ce qu’une femme désire accomplir spontanément pour elle-même et pour les autres et qui y parvient, malgré les obstacles qui se dressent sur la route. Par ailleurs, elle représente aussi, d'une part, un moment de l'histoire des États-Unis en crise qui fait écho à celle que le pays connaît depuis 2008, et d'autre part, l'Organisation des Nations Unies dont la mission aujourd'hui demande à être redéfinie.

Quels obstacles?
Dans son cas, les obstacles, qu’elle a dû dépasser, étaient créés par sa timidité naturelle qui ne disparaîtra jamais tout à fait et par ses préjugés, issus de sa condition de fille de bonne famille. Des obstacles plus extérieurs aussi, venant d’esprits conformistes face à l’action féminine dans la sphère publique au milieu du XXe siècle. Eleanor Roosevelt est l'une des actrices qui aura le plus fait avancer les causes des plus démunis et elle aura mis sur pied les premiers programmes sociaux de l'histoire des États-Unis.

Une femme d'action bien entourée
Ce ne sont pas toutes les femmes qui peuvent à son époque mener à bien leurs idées. Néanmoins, jusqu'à la seconde guerre mondiale, elles ne sont pas encore entièrement investies par leurs devoirs domestiques et Eleanor nouera des liens avec les féministes de son temps, alors que leurs voix se fait entendre; elle est accompagnée, de surcroît,  par un homme, son mari, ouvert aux revendications de ces dernières. On le voit ici, tricot à la main, dans une mise en scène réfléchie, mais tout à fait représentative de l’ouverture d’esprit du couple.



Un tournant
Longtemps très amoureux, le couple Roosevelt chancellera au moment où Eleanor découvre que son mari a une histoire d’amour très sérieuse et depuis longtemps engagée avec une autre femme. Elle souhaitera le divorce mais Franklin refuse et lui demande  de l’accompagner sur le chemin de sa carrière politique (qui le mènera à la présidence des États-Unis, de 1933 à 1945), dont la réussite ne peut s'accomplir s'il est divorcé. En échange de sa collaboration, elle lui propose d'occuper un rôle significatif dans l'action politique. Son malheur deviendra alors le tremplin qui la propulse aux premières lignes des combats qu'elle mènera sans relâche jusqu'à sa mort.


Une femme d'influence
Eleanor aura beaucoup d’influence sur les décisions politiques de son mari –entre autres sur l’entrée en guerre des États-Unis en 1941. Elle le connaît bien et sait quels arguments -politiques, il va sans dire- employer pour le convaincre. Elle ne se posera jamais. C'est une femme à l’énergie incroyable qui servira sans compter pour l’avancement de ses revendications.

Une caricature montre Eleanor Roosevelt apparaissant soudainement au fond d'une mine, signifiant qu'elle est partout, même là où on l'attend le moins. Source: More or less Bunk (blogue) 30 septembre 2012). http://moreorlessbunk.wordpress.com/



La seule limite de sa liberté d’action (pour combattre le racisme par exemple) viendra des démocrates les plus à droite et des républicains. Bref, de tous publics que son mari doit stratégiquement ménager s'il veut maintenir sa position à la Maison Blanche.
L'apogée de l'action politique d'Eleanor est sans doute son apport à la Déclaration universelle des droits de l'homme signée en décembre 1948, apport que la disparition de son mari en 1945 a encouragé alors qu'elle est appelée à le remplacer dans ce contexte de création.

Eleanor Roosevelt tenant à la main la Déclaration universelle des droits de l'homme (en espagnol). Source: Wikipédia, 30 septembre 2012.
Eleanor est inspirante, intelligente et courageuse et a su employer ses ressources intérieures pour dépasser les rôles soumis que l’on attendait d’elle: épouse, mère et première dame sans pouvoir. Petite fille rejetée par une mère qui la trouvait laide, abandonnée par un père alcoolique et drogué, orpheline à l'âge de dix ans, c’est elle qui aura officialisé les fonctions de première dame des États-Unis; elle aura actualisé une conscience politique et sociale et ouvert le chemin à celles qui viendront avec le même désir d'action.

« Eleanor restera active jusqu’à sa mort en 1962. Un an plus tôt, le président nouvellement élu, John F. Kennedy, venait de la nommer, de nouveau, aux Nations Unies et lui avait également confié la présidence de la commission présidentielle sur le statut des femmes ». http://web.hec.ca/centredecas/catalogue/cas/9402009044.pdf octobre 2012.

Le président Truman la surnommera « première dame du monde ». Elle meurt en 1962, à l'âge de 78 ans, d'une turberculose des os.


Pour en savoir plus sur Eleanor Roosevelt:
http://www.biography.com/people/eleanor-roosevelt-9463366/videos/eleanor-roosevelt-full-episode-2073091336

Claude-Catherine Kiejman. Eleanor Roosevelt. Firts lady et rebelle. Éditions Tallandier, Paris, 2012.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Eleanor_Roosevelt, 28 septembre 2012.

http://web.hec.ca/centredecas/catalogue/cas/9402009044.pdf octobre 2012.